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LETTRE du TYROL de la part de L' ADRI RANDO 04

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LETTRE du TYROL de la part de L' ADRI RANDO 04

LETTRE du TYROL de la part de L' ADRI RANDO 04

Lettre du Tyrol
COPYRIGHT (C) Jean Claude BARBIER pour ADRI 04


Je t'écris du Tyrol où nous venons de passer une semaine, à la fin juin.
Tyrol du nord en Autriche (j'ai appris qu'il y a un Tyrol du sud, en Italie aujourd'hui dans le haut Adige autonome et germanophone, perdu par l'Autriche en 1918, après la défaite de la Triplice).
Là tout n'est qu'ordre et propreté, aisance, calme et religiosité, pourrait-on dire en paraphrasant Baudelaire dans "L'invitation au voyage".
Au départ, les cartes postales défilent : clochers à bulbe ou à pointe rouge effilée, chalets
impeccables fleuris de géranium, maisons blanches peintes de motifs bucoliques ou religieux, prairies d'un vert intense, rasées de près, vaches milka aux mamelles replètes. A l'étage au-dessus futaies de conifères élancés comme des fusées - mais pas de pins noirs d'Autriche à l'horizon - Et au-dessus encore des 3000 poudrés de neige tous les matins.

Je ne vais pas tout te raconter en détail, d'autres le feront mieux que moi. Je vais juste te donner quelques impressions qui m'ont marqué.
Ainsi, dans le village où nous créchions, à l'hôtel Edelweiss de Götzens, à cinq kilomètres
d'Innsbruck, ce qui m'a frappé c'est l'odeur. Tu te ballades dans un village nickel propre, impeccable et tu sens près de l'église au rococo flamboyant une forte odeur de bouse mélangée à celle fermentée de l'ensilage. Tu cherches et tu trouves l'origine de ce
parfum original qui pour moi restera à jamais celui du Tyrol : en plein coeur de ville, à onze heures du soir, pas un bruit, peu de lumières (on est économe de l'énergie), sauf un
hangar bien éclairé qui m'attire comme les rois mages en Galilée, suivant des yeux l'étoile du berger.

Ce hangar est une crèche illuminée, je devrais dire une usine, parce que là on est loin des clichés milka : une bonne cinquantaine de vaches efflanquées et plutôt sales dévorent leur pitance. Quel est le sort de ces pauvres bêtes en batterie, enfermées comme des poulets, sans doute là dix mois sur douze, condamnées à fabriquer du lait comme des machines ? Il tombe le cliché bucolique de la belle vache heureuse comme une donzelle batifolant dans les alpages.

Remarque,pour nuancer, on en verra par la suite dans les alpages, de ces belles vaches grises, en dégradé,de confession tyrolienne pure race. Toutes les bêtes heureusement ne subissent pas le même sort.On en verra même sur la route, en altitude, tranquilles comme des vaches sacrées, pas pressées de céder la place aux voitures. Mais des étables cachées en plein village, on en trouvera d'autres dans les villages voisins qui se touchent, Birgitz et Axams, avec le tas de fumier à proximité, bien rangé dans un box bétonné. Ce sera le premier paradoxe tyrolien, ce mélange d'urbanité et de ruralité qui s'interpénètrent, ce panachage d'élevage industriel et traditionnel. La vache est dans la
ville comma la sardine est dans l'huile, mais aussi dans l'alpage, sage comme une image ! Mais où est le fromage ? On en verra ni l'article ni la couleur. Quand elles ne font pas du lait à la chaîne, ces braves bêtes sont sans doute là pour être transformées en escalopes panées (les fameuses wiener schnitzel ).
-2-
Le dimanche, c'était la fête Dieu, fête votive dans tout le Tyrol. Le Tyrol est un pays très catho. Au moins 80% des Tyroliens se déclarent comme tel et paient à l'Eglise un impôt, ce qui explique la haute tenue des églises baroques et rococo. Il y a des oratoires couverts en bois, des statues de saint partout. Du cimetière où les tombes sont éclairées chaque soir d'un lumignon par un membre de la famille, on avait été intrigué par une tête de Christ géante scintillant dans la nuit sur un flanc de la montagne. C'était l'affiche de la fête.
La procession, ça mérite le détour. Et attention, ce n'est pas du folklore à touristes, c'est de l'authentique pur jus ! Le village a été pavoisé avec des bannières rouges et blanches aux couleurs du Tyrol. La population défile en fanfare et en costume traditionnel autour du saint sacrement protégé par un dais et entouré d'enfants de choeur.
Ca commence à cinq heures du matin par des coups de canon et des coups de fusil qui réveillent tout le monde pour se préparer à la fête. Des autels reposoir ont été dressés dans la village. Le défilé est militaire et religieux ; ça ressemble à une espèce de bravade comme il en existe à Castellane en Provence. Les hommes en veste rouge, chapeau verdâtre à plume, knicker noir et chaussettes blanches constituent une sorte de "garde nationale" où s'ordonnent musiciens, sapeurs en tablier de cuir et hache sur l'épaule, tambour-major et autres soldats en arme autour du canon qui pétarade après chaque station. Ca marche au pas. Les femmes, en haut de forme ou chapeau verdâtre selon les confréries, corsage blanc sous caraco rouge ou vert, châle sur les épaules parfois richement brodé, longue robe sombre avec tablier bleu, chaussettes blanches apparentes, marmonnent des ave Maria. Les jeunes filles tiennent des tonnelets (de schnaps ?) comme des saint-bernards. Les fillettes sont en blanc et portent des corbeilles de fleur. Les garçons ont enfilé les traditionnelles culottes courtes de peau. Chaque catégorie d'âge et de sexe transporte son propre saint sur un brancard, bizarrement
tourné vers l'arrière. Même les ados, avec ou sans costume, sont de la partie, et transhument le Bon Pasteur.
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Ce qui m'a le plus impressionné, ce sont les porteurs de bannière géante accrochée à un mât de huit mètre de haut. Par sécurité, on a fait le vide autour d'eux. Ils sont seuls avec leur effort au milieu d'un glacis dans la procession qui s'étire à n'en plus finir dans le village.Aidés par un assistant-pilote, le nez en l'air, ils cherchent en permanence l'équilibre, penchent,s'arrêtent, rétablissent la machine, luttent contre le vent pour ne pas affaler la voile. Ils fluctuent sans faire naufrage. La litanie des saints est égrenée tout au long de la procession et un haut parleur sans fil pieusement promené assure la sonorisation. Entre les prières, la fanfare joue une triste mélopée. Ambiance très pieuse
et recueillie. On n'est pas là pour les touristes,d'ailleurs peu nombreux, mais par conviction profonde.On vénère la présence du Christ dans l'eucharistie, la Vierge et les saints. Les dogmes du Concile de Trente, le concile contre la Réforme protestante,
sont bien là et se promènent dans la rue, théâtralisés. Présence réelle, culte des saints, vierge Marie ... Il faut affirmer haut et fort la différence de sa foi catholique contre les huguenots. Peut-être aussi commémore-t-on autre chose, une victoire, une lutte d'indépendance, je n'ai pas réussi à le savoir.


Avant d'arriver au fabuleux tremplin d'Innsbruck sur la colline Bergisel il faut se taper le jardin des gloires nationales, à savoir la statue équestre géante d'Andréas Hofer, héros de l'indépendance tyrolienne, supporté par des aigles qui servent de terrain d'aventure aux enfants.A la tête d'une armée de paysans, par trois fois, il libéra Innsbruck de la tutelle bavaroise (le Tyrol s'appelait alors Bavière du sud). L'autre héros, avec une statue plus modeste, c'est le kaiser François-Joseph (1830-1916), le mec à Sissi, pour nous de sinistre mémoire, puisque encore chef de l'empire austro-hongrois, à 84 ans, vieillard bien manipulé par ses généraux, il fut à l'origine de la guerre de 14, en attaquant la Serbie après l'attentat contre son héritier à Sarajevo. Les héros d'ici ne sont pas tout à fait les nôtres, les monuments aux morts non plus.
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Par contre le tremplin olympique de saut à ski du Bergisel, est un véritable monument à la vie, toujours en usage. En général,les hommes élèvent sur les
hauteurs des temples et des cathédrales pour leur dieu. Ici, c'est d'une autre religion qu'il
s'agit. Celle du sport et de l'envol,une variante du rêve d'Icare.Imagine une sorte de pyramide qui s'élève d'une base circulaire formant une arène pour les spectateurs, remontant le long d'un plan très incliné qui va en s'amenuisant, lequel est encore
surmonté d'une espèce de tour-sculpture bizarre, de 50 m de haut qui parait vrillée comme une flamme, pour agrandir et surélever la piste d'envol ; un super toboggan qui démarre presque à la verticale. De là-haut, une immense cabine panoramique t'offre une vue plongeante sur l'arène, le cimetière, l'église et la ville tout entière. Franchement ce tremplin d'aigle te donne envie de voler.Regret de ne pas avoir participé aux jeux olympiques de 64 ou 76. Je suis sûr que, toi aussi tu voudrais t'envoler sur la ville, juste comme un oiseau. Construction fonctionnelle et laide à la fois,une sorte de monument historique contemporain ; mais on finit par s'y accoutumer à le voir de partout, comme un fanion flottant sur la montagne historique d'Innsbruck, un hymne au sport d'envol, qui se visite comme on visite le Colisée. Innsbruck a inventé un monument pour échapper
à la gravité.
D'Innsbruck, je retiendrai aussi l'enfant émerveillé par les bulles, au coeur de la vieille ville. Voir la maison baroque blingbling boursoufflée de stucs, et les façades aux tons pastel à travers une bulle, n'est ce pas une bonne façon de voir ? Il était insensible, l'enfant, aux charmes pompeux du Petit toit d'or, la gloriole de l'empereur Maximilien (1500) et la fierté d'Innsbruck, insensible au puissant beffroi de l'hôtel de ville et à son dôme en oignon, non ce qui l'intéressait, et la plupart des badauds avec lui, lassés des
discours des guides savants se croyant obligés de tout nous apprendre sur les 500 ans d'histoire de la Maison des Habsbourg, c'étaient les bulles géantes du bateleur qui savait si bien gonfler du vide et l'envoyer en l'air. Un peu de légèreté dans ce décor pâtissier, ça faisait du bien à tout le monde.
Cuivre doré seulement, selon le guide en papier ; 6 kilos d'or selon notre guide bien en chair, qui croire ? et de la tendresse aussi.

Il faut allerà la cathédrale Saint-Jacques (Jakob) d'Innsbruck. Non pas pour
voir les coupoles plates qui sont un amusant "tape-à-l'oeil", comme dit mon petit fils qui s'y connait en art baroque, mais pour la madone de Lukas Cranach l'ancien (1530),
partout reproduite sur les façades des maisons de la vallée de l'Inns.
C'est une superbe jeune fille maternant tendrement son bébé, magnifique image de douceur et de bonté. Je comprends l'attachement des Tyroliens à cette image apaisante, à ce petit sourire séducteur, engageant, un peu plus esquissé que celui de la Joconde. "Peace and love" est un antique message. Il est bon de se mettre sous la protection de la tendresse et de la douceur personnifiées. Les Tyroliens à l'âme bucolique et pacifique, en contradiction avec l'esprit belliqueux de leur ancien Kaiser, rêvent-ils tous de se faire materner par une si belle jeune fille ?

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En route pour Kühtai, le pays des vaches et des lacs. Enfin du hiking,
enfin une vraie randonnée comme on les aime, et qui plus est par un temps splendide. Ce n'était pas comme la baladette au plateau du soleil où il n'y avait ni plateau, ni soleil. La vallée est occupée par des villages tout aussi mignons les uns que les autres, on voudrait tous les explorer. Au fur et à mesure qu'on monte, elle est de plus en plus encaissée et les versants de plus en plus verticaux. Mais tout est toujours vert. Normal, il pleut souvent,
nous en avons fait l'expérience trois jours durant. Malgré ces pentes abruptes, rien n'est
abandonné, tout est cultivé, travaillé jusqu'au moindre mètre carré. Les paysans rasent les pentes à la motofaucheuse à main et finissent à la faux ; après ils font sécher le foin sur des piquets de bois armés de barreaux. Cela donne un aspect étrange à ces prés de fauche. Ils semblent habités par des bonshommes d'herbe, procession de foins debout, armée fantôme escaladant la montagne. Où vont ces fantômes immobiles à grands pas ? Foule en marche, séchant sur place pour nourrir les vaches des fermes voisines propres comme des sous neufs. Partout règne la vache, la culture vache parfume le Tyrol.
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Après Saint-Sigmund, la vallée s'élargit et les alpages sont plus fréquentables, et l'hiver le pays des vaches se transforme en station de ski. L'emblème de Küthai est une
vache grandeur nature. Mais l'alpage est gagné par le rhododendron, la rose des Alpes.
C'est beau mais signe d'abandon.Les chevaux Haflingers sont couchés dans cette lande de rodhos. Chevaux trapus, beige clair et costauds comme des Fjords de Norvège, avec des crinières blanches. Magnifiques bêtes. Ici la montagne est bien domestiquée,
bien pastorale. Les vaches y vivent à l'aise, et plus heureuses que celle de Gôtzens enfermées dans l'étable urbaine. Mais Küthai est aussi le pays des moutons; de
grands moutons hauts sur patte à côté desquels nos mérinos d'Arles paraitraient rachitiques. Ici ils ont de quoi manger. Mais pas de faune sauvage, à peine une marmotte aperçue au loin. Il y a trop de monde ;Küthai est aussi pays des lacs et des barrages, pays du rouge des rhodos, pays du vert des prés et des lacs, pays du bleu, bleu du ciel et bleu des lacs. Couleurs intenses et saturées comme seules on les trouve en montagne. Et le regard s'élève vers les sommets et rebondit sur les pics blanchis,vertige, puis bascule sur cette autre vallée, la vallée d'Ötz, où l'on a trouvé celui qu'on a baptisé du nom de sa vallée, Ötzi, l'homme rejeté par les glaces, mortellement blessé par derrière en montagne, et retrouvé à 3200 mètres d'altitude il y a 5300 ans, là aux confins de l'Italie et de l'Autriche dans ce Tyrol d'alors, sans frontières mais pas sans conflits. Les montagnes et les lacs m'ont toujours fait gamberger. C'est pour cela que je les aime .Enfin dernière image du Tyrol, c'est celle de l'homme au fouet, l'ami Fritz, Ben Ur tyrolien. Impérial sur son attelage de billes de bois, il est éleveur de chevaux puissants et magnifiques,champion du débardage,faneur, homme orchestre,chanteur, musicien, danseur,force de la nature, buveur de schnaps, business man,animateur de premier ordre,grand organisateur de spectacles vivants comme on dit maintenant. Spectacle de la vie d'autrefois, de la vie de ceux d'avant. Spectacle bien orchestré avec tout ce qu'il faut de tyroliennes, de chansons à boire et de danses traditionnelles. Mais Ben Ur est aussi quelque peu roublard : avec le coup de son playback .On peut voir sa momie conservée au musée de Bolzano (Italie)

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au cor des Alpes, il nous a bien eus ! Enfin, l'homme valait quand même le détour, entouré de son équipe de bateleurs-danseurs-garçons de ferme donnant vie aux traditions et aux fêtes campagnardes, avec un entrain et une joie qui nous faisait oublier que c'était un spectacle. On s'y croyait, dans cette fête campagnarde, comme si on était un invité du pays. L'ami Fritz sait bien distraire les touristes. Mais il le fait avec entrain et joie, comme si c'était la première fois. Et puis la femme du patron était si belle, la plus belle de ses tyroliennes. N'importe quel petit lait qu'elle nous tendait devenait le meilleur des schnaps.
Bel arc en ciel d'images donc. On en a vu de toutes les couleurs, depuis le gris de la pluie et des brumes, les verts des pâturages et forêts jusqu'au bleu du ciel et des lacs en passant par le rouge des costumes des processionnaires et des clochers... Sans oublier bien sûr, le jaune de la bière qui coulait à flot dans les gosiers bas-alpins de plus en plus assoiffés.
Auf viedersehen Tyrol.
Jean-Claude Barbier

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